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Ambrym, des volcans et du kava

Ambrym est une île au centre de l'archipel du Vanuatu, à une vingtaine d'heures de cargo de Port-Vila.

Elle est surnommée "l'île noire", à cause de son sol volcanique. Réputée sauvage, elle est toujours crainte des ni-vans à cause de la pratique ancestrale de la magie noire, officiellement interdite. Elle ne semble clairement pas être l'île la plus hospitalière mais notre objectif est clair : faire l’ascension de ses deux volcans actifs Mt Marum et Mt Benbow.


Nous voyagerons en cargo, moyen de transport le plus économique. Ce sera l'occasion d'être en immersion totale dans la population ni-van, si souriante et si avenante. Edmond nous invitera même à venir chez lui à Ambae.


Après une nuit en mer sans encombres, nous débarquons au village de Craig Cove à l'Ouest de l'île, sur une petite barge, en compagnie de deux jeunes chiliennes.


L'arrivée du cargo est l’événement de la semaine.

Dès notre arrivée, c'est le "choc culturel". L'environnement parait vraiment peu engageant au premier aperçu.


Le village de Craig Cove est divisé en deux, une partie parle anglais (autour de la mission protestante) et l'autre parle français (autour de la mission catholique). Tout le monde se connait et les nouvelles têtes sont tout de suite repérées.




Les chiliennes ayant le même projet que nous, on décide de chercher un guide ensemble. Jimmy et Enuma nous proposent alors leur aide, avec leur décontraction insulaire, et nous offrent de planter notre tente gracieusement dans leur jardin. Ils sont hébergés chez monsieur Alexis, dont l'âge restera un mystère pour nous, il aurait assisté à l'éruption de 1913... Nous apprendrons ultérieurement qu'il s'agit du chef du village.


Nous découvrons la vie au rythme du soleil, sans électricité, et où l'on mange ce que la nature offre : bananes, coco, fruits à pain, ignames, tarots, choux des îles.

Nous ne paierons aucun repas, un peu gênés, mais on nous dit que c'est la vie au Vanuatu : tout est gratuit sur l'île!



Avec Enuma


Le soir, on nous demande si l'on veut manger du poulet. "Pourquoi pas !". Immédiatement, Enuma tue la première poule qui passe au lance pierre ; les chiliennes n'ayant même pas eu le temps de dire qu'elles étaient végétariennes.


Pour fêter cette première soirée tous ensemble, ils nous offrent le kava, la boisson traditionnelle du Vanuatu, sans alcool, à base de racines de la famille du poivrier aux vertus relaxantes.


Le kava est une boisson ancestrale dans le Pacifique sud (Fidji, Vanuatu et Ile Cook). Ici, le soir, tous les hommes se retrouvent dans des Nakamals (bar à kava) pour boire leur shell (bol). Nous devrons le partager avec eux, non sans risques puisque l'eau de dilution n'est pas minérale. Heureusement, à part la langue anesthésiée et l'effet relaxant, nous n'aurons aucun effet secondaire.


Un petit shell?



Enuma nous annonce connaitre le "meilleur guide du village" pour nous accompagner au volcan. Il nous présente Jonas, qui parle plutôt un bon anglais et nous propose le trek sur 2 jours pour 6000 Vatus/pers tout compris.

En fait, sa compétence sera surtout celle d'être le cousin de Jimmy et les porteurs seront ses frères.


Le lendemain matin, c'est la mauvaise surprise! Jonas change son prix au dernier moment: finalement c'est 10 000 vatus/pers. Il avait soit disant bu trop de kava la veille lors de notre discussion... C'est le moment où nous aurions du dire non!


Nous sentant redevables vis à vis de Jimmy et Enuma qui nous accueillent et étant vraiment motivés pour faire l'ascension, nous céderons pour 8750 vatus/pers.

On lui demande toutefois si ce n'est pas risqué de partir aujourd'hui sous cette pluie diluvienne? Il nous dit que proche du cratère, la météo est souvent différente.


Un trek dans des conditions extrêmes et des conditions de sécurité très limites...


Nous voici embarqués dans un pick up jusqu'au point de départ du trek : 4h de marche dans une forêt dense et sous des trombes d'eau. Le chemin à travers la jungle est difficilement praticable: étroit, boueux, glissant, inondé et tellement pentu qu'il faut escalader la roche humide par endroits. La nécessité d'un guide local est incontestable.



Non contents d'arriver au campement après une journée assez pénible, Jonas lance un feu pour nous réchauffer et préparer notre seul repas de la journée. Nous sommes trempés jusqu'aux os et vite refroidis avec l'altitude.

En regard des nuages sur la plaine de cendres derrière nous, Jonas refuse de nous faire monter au volcan cet après-midi. Nous devrons attendre demain matin en espérant que la météo soit meilleure.


La nuit sera dantesque. Effrayée que notre tente ne puisse résister à la tempête, et sans sacs de couchage, Laurence ne fermera pas l’œil de la nuit. Aux aurores, il y a une éclaircie mais il faut se dépêcher; le vent est fort et la pluie menace toujours.


Nous partons alors sur la plaine de cendres volcaniques, à la conquête de ce décor lunaire voire apocalyptique.

Comment se repérer dans ce désert noir? Vus vous rappelez de la technique du Petit Poucet?

Notre guide traîne un bâton au sol afin de tracer une ligne que l'on suivra au retour. Nous voilà rassurés !




Nous devons nous couvrir les voies respiratoires: le volcan dégage des fumées toxiques asphyxiantes.




Les cendres nous fouettent le visage comme de la grêle, les pluies acides nous brûlent les yeux, mais arrivés au bord du cratère nous voyons ceci à travers le brouillard :





Le point de vue est très dangereux au dessus du précipice, avec seulement un bâton planté dans le sol pour nous maintenir lors des nombreuses bourrasques créées par Marum. Nous sommes tout de même fascinés par ce chaudron de lave en fusion qui bouillonne à nos pieds. On ressent pleinement la puissance des éléments. On se sent insignifiants devant la force du volcan. Quel spectacle impressionnant de voir les entrailles de la terre se déchaîner sous nos yeux!


Nous ne nous attardons pas au cratère, les conditions météorologiques sont vraiment extrêmes, l'air et la pluie sont toxiques. Le brouillard est tel que Jonas aura même quelques difficultés à retrouver le chemin du retour. Nous n'irons finalement pas voir l'autre volcan (Mt Bembow), son accès étant trop dangereux ce jour.


Quelle Aventure avec un grand A ! C'est vraiment une expérience intense qui restera gravée à jamais !

A Craig Cove, Francis (un autre guide local) nous dit avoir été inquiet pour nous quand il a su que nous étions partis là-haut avec la tempête. Guide depuis plus de 15 ans, il ne serait jamais monté au volcan dans ces conditions: trop dangereux avec la grosse dépression en cours (en période de cyclones). Il nous apprend alors que Jonas est guide depuis seulement 6 mois, et manque cruellement d'expériences. Lui aurait attendu un jour de plus et ainsi nous aurions pu avoir une vue dégagée sur le Mt Marum et le Mt Benbow. Il aurait aussi fourni des masques à gaz avec filtres pour se protéger des fumées toxiques lors de l'ascension finale, et son tarif aurait été de 5500-6000 vatus/pers/2 jours. Imaginez un peu notre amertume !


Le soir nous célébrons la fin de cette aventure avec quelques verres de kava, que nous leur offrons en remerciement.



Pas simple de trouver un transport pour repartir

Il nous faudra ensuite deux jours pour trouver un moyen de transport pour rejoindre l'île de Malekula, pourtant juste en face mais mal desservie depuis Ambrym. Nous partirons finalement avec un speedboat "privé", au prix fort, qui pourtant ramènera des gens de Malekula au retour.


Notre speedboat


En route pour de nouvelles aventures

On repart avec un sentiment mitigé, autant l'accueil était bon, autant l'ascension des volcans est devenue un business à tout prix, au détriment de la sécurité ! Les tarifs semblent complètement déconnectés du niveau de vie ni-van. Notre guide peut toucher en 2 treks le salaire mensuel d'Enuma, clerc d'huissier de justice.



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