top of page

Rendez vous en Pays Toraja

Après une escale agréable aux îles Togians, nous arrivons en terre Toraja,




Vous connaissez notre attrait pour les zones "hors sentiers battus"; même si le pays Toraja est connu des voyageurs, nous n'avons pas été déçus ! Comment ne pas être marqués par les traditions si particulières des Torajas ?


Les Torajas, dont le nom littéral signifie peuple des montagnes, sont les membres d'une ethnie d’Indonésie assez aisée. Ils occupent les hautes terres de Sulawesi Sud. L'agriculture est primordiale ici, autour de Rantepao, le chef-lieu Toraja. Rizières en terrasses, plantations de giroflier ou de café jalonnent la région. Nous sommes en terre catholique, mais toujours très accrochée à ses traditions animistes et prenant de larges libertés avec les rites chrétiens.


Un village toraja caractéristique : le tongkonan à gauche, avec les greniers à riz à droite


Le symbole local est le Tongkonan, "la maison des origines" en forme de cornes de buffles (ou de bateau selon les informations), immanquable dans le paysage Toraja. Outre des lieux de vie, ce sont des symboles de la prospérité de la famille.


On trouve des centaines de "clans" familiaux tels que celui-ci, basés sur la même organisation :


Une maison centrale d'habitation fait face à des greniers à riz (alang), toujours avec cette même forme caractéristique de la région.


Des rizières en terrasses à pertes de vue avec des tongkonans



La maison principale porte les cornes des buffles tués lors des cérémonies funéraires : un autre symbole fort du pays toraja.



Un Tongkonan avec 200 cornes de buffles


En pays toraja, l'événement le plus important de sa vie n'est pas le mariage mais d'avoir de belles funérailles. Un point de vue assez extraordinaire à nos yeux occidentaux.



Les cérémonies funéraires en pays Toraja


Attention, âmes sensibles s'abstenir


Lors de notre passage, nous avons eu l'occasion d'assister à différentes étapes de cette coutume traditionnelle. Nous avons toujours été bien reçus, offrant un kilo de sucre (comme le veut la culture locale), sans même être accompagnés d'un guide.



Au lendemain du décès du défunt


Alors que nous traversons le village à pieds, par hasard, on nous invite à manger avec eux. Les étrangers sont étonnamment les bienvenus à vivre ce moment si intime à nos yeux.

La famille convie les proches pour se recueillir tous ensemble et saluer le défunt. Ce moment nous a paru étrangement convivial et joyeux. Tout le monde s'affaire à la préparation du festin, qui sera partagé avec les invités.


Nous ne verrons pas le défunt, qui repose à l'intérieur de la maison.


Les hommes s'occupent de la préparation du cochon.

D'abord attachés sur des bambous, les cochons seront tués d'un coup bref de couteau dans le cœur puis découpés méthodiquement, et enfin cuit au feu de bois, dans des tubes de bambous.


Tandis que les femmes préparent les légumes et les assiettes en papier pour manger le Nasi Campur (riz accompagné de viande et légumes).


Atelier pliage avec les femmes


Respectant la coutume locale, Laurence aidera les femmes, pendant que Matthieu restera avec les hommes à boire le ballo, une bière à base de palme toraja, dans des suke (verres en bambou)....


Juste avant le repas, la matrone lance le bénédicité, repris à l'unisson dans l'assemblée. La prière est solennelle. L'espace de quelques minutes, tout s'arrête. S'en suit un moment joyeux et convivial. Aucuns pleurs ou sentiment de tristesse apparent.


Nos hôtes nous offriront même l'hospitalité. Nous sommes gênés de refuser. Nos codes occidentaux nous bloquent, on ne se voit pas rester dans une famille en de telles circonstances, malgré cet accueil sincère.


Cette dame (de la famille du défunt) apposera notre photo sur son cœur, l'embrassant, répétant "my family in France"



La cérémonie funéraire Toraja est un événement en soi, et ce premier jour n'était qu'un aperçu.



Les codes sont très stricts et la cérémonie qui doit emmener le défunt doit être faite dans les règles. Plus la cérémonie est faste, meilleur sera l’accueil dans l'au-delà.


On juge le faste d'une cérémonie funéraire au nombres de buffles sacrifiés. Les chiffres vont de 12 à 24 suivant le statut social du défunt.

Devant de telles sommes, les familles ne peuvent réunir de tels fonds sur le moment, les défunts restent à la maison plusieurs mois, voire plusieurs années, considérés comme une personne malade dont on s'occupe avec soin.


Aucun lien avec la série Walking dead, mais tout de même on y pense: voir le reportage en anglais de National Geographic sur le sujet (attention images choquantes), ou encore cet article complet sur la relation à la mort en pays Toraja (Toujours National Geographic en anglais)


Lorsque les conditions sont réunies, une très grande fête est organisée, qui durera plusieurs jours.




La veille de la cérémonie


Tout est prêt pour la réception tant attendue.



Des estrades en bambous sont construites, spécialement pour l'occasion, afin d'accueillir les invités.


Devant le portrait de la défunte






JOUR 1


C'est le jour du premier sacrifice de buffle appelé Ma'tinggoro (exécution barbare, laissant l'animal se vider de son sang par la jugulaire), le défunt est transporté à l'étage du tongkonan familial, pour voir la cérémonie se dérouler.




Rien n'est caché aux enfants



La découpe du buffle commence pendant que des chants retentissent, quelques cochons vont aussi voir leur espérance de vie raccourcie à ce moment. Il faut imaginer les cris de cochons très bruyants qui résonnent ainsi que l'odeur du cochon grillé au chalumeau.




Les chants sont étonnamment joyeux et les danses (Ma'badong) impliquent les invités autant que la famille. On a proposé à Matthieu d'y participer, mais il refusera poliment (toujours nos codes).


Les hommes entourent le cercueil avant de l’installer à l'étage




Un des notables de la tribu



Nous avons participé à cette journée en compagnie de la famille du défunt qui nous a accueilli comme des invités de marque.



JOUR 2


Le deuxième jour, la famille reçoit les invités de tous les villages environnants et c'est une fête nommée en anglais "receiving guest", venant tour à tour saluer la famille du défunt, honorant celui-ci par le don d'un cochon.

Nous n'aurons pas participé à cette journée malgré de nombreuses invitations, préférant randonner dans les paysages de rizières, la journée de la veille était déjà forte en émotions.


Les environs de Rantepao, couverts en fin d'après midi avant le déluge quotidien


JOUR 3


Le troisième jour est le jour du grand sacrifice, une véritable boucherie à nos yeux.


En fonction du statut social du défunt, jusqu'à 24 buffles seront exécutés après des combats entre eux pour divertir l'assemblée. Les buffles ont un prix au marché qui évolue en fonction de nombreux critères mais un seul buffle coûte entre 300 millions de roupies (20000 euros) et un milliard de roupies (66000 euros). Pour info un cochon ne vaut que 3 à 4 millions de roupies (270€).


A la vue des sommes engagées, on est abasourdis. Le salaire moyen est très loin de ces montants.


Nous refuserons de participer à cette journée sanglante, mais de nombreuses vidéos existent sur youtube pour les amateurs de sensations.



JOUR 4


La famille redescend le cercueil du tongkonan et part dans la montagne vers le tombeau taillé dans la pierre (un véritable travail de titan). En pays Toraja on n'enterre pas les corps, on les empierre.


Des tombeaux dans la roche.





Nous avons toujours été bien accueillis par des familles heureuses de nous rencontrer, ayant un vrai sens de l'hospitalité.


Certes il existe des cérémonies avec de nombreux touristes arrivant par car entiers, ou moyennant un guide vous extorquant une grosse somme pour un événement dont il n'est pas acteur, mais nous avons pu trouver par nous-même des cérémonies en nous baladant à pieds ou en scooter dans les environs de Rantepao.

Si l'on entend de la musique traditionnelle faite avec du bambou tapé (Manglambuk), ou que l'on voit des structures de gradins en bambou, il y a de grandes chances qu'un événement soit en préparation. L'accueil est respectueux au départ puis la relation évolue dans la journée et étant les seuls étrangers les liens devenaient fort.



Nous sommes restés 8 jours à Rantepao, tant cette région nous a charmée, même si les cérémonies peuvent être éprouvantes.


Cette étape en Indonésie sera la dernière avant le Japon, où une nouvelle expérience complètement différente nous attend.


À suivre : un mois au Japon, en stop!


bottom of page