Turpan, un virage dans notre voyage
- Matthieu & Laurence
- 10 déc. 2016
- 4 min de lecture
Au creux d'une dépression de 154m sous le niveau de la mer, la région de Turpan serait la plus chaude et la plus sèche de Chine. On l'appelle la vallée de la mort chinoise. Ancienne oasis où les caravanes échangeaient au temps de la route de la soie, Turpan est aujourd'hui une ville "champignon", en pleine expansion sur le désert. De grandes avenues modernes surdimensionnées anticipent l’arrivée de nouveaux arrivants, dans la région du Xinjiang riche en ressources naturelles.
Grâce à son climat et son système d'irrigation millénaire, Turpan est réputée pour ses fruits, notamment ses raisins. On peut se balader dans la Grape Valley, flâner dans la vieille ville, visiter le musée de Turpan (gratuit) sur l'histoire de la route de la soie au Xingjiang ou l'Emin minaret, l'une des attractions de la ville.

L'Emin Minaret, vu depuis les vignes
Dans cette région du Xingjiang, 70% de la population est ouïghoure (peuple turcophone musulman).

Les commerces appliquent la double enseigne

On aimera errer dans les rues de la vieille ville, admirer les maisons en terre cuite, chercher les cours intérieures cachées, flâner au bazar, en observant la vie quotidienne, les visages, les sourires, les longues barbes, les doppa (chapeaux ouïghours)...




Un art de rue politisé?
Comme à Kashgar, au nom du progrès (et de l'assimilation), la nouvelle ville han grignote du terrain sur la vieille ville ouïghoure.

La vieille ville est en plein travaux : des tranchées sont creusées pour installer des canalisations. On constate que les habitants réalisent eux-même leurs travaux. On suppose que le gouvernement chinois exige une mise aux normes, sous peine de détruire les logements sans évacuation des eaux usées.

L'attrait majeur de Turpan réside surtout dans ses environs. On peut visiter de nombreux sites classés, héritage de la route de la soie, comme les ruines de Jiaohe, les ruines de Goachang, les Flaming mountains, les grottes de Bezeklik, le village de Tuyok…
Nous ne visiterons finalement aucun de ces sites.
Nos premières impressions sur le tourisme à la chinoise : la foule, l'hyper-infrastructure, le manque de discrétion, la manie du selfie... Tout cela ajouté au prix démesuré des attractions nous crée une certaine frustration, après les paysages grandioses que l'on a pu voir en Asie centrale, en toute liberté.
On réalise que la Chine est au pays gigantesque : en un train de nuit Kashgar-Turpan, nous parcourrons une distance de 1400 km, soit l'équivalent d'une traversée de l'Ouzbékistan d'ouest en est !
Pour donner un autre ordre d'idée, Kashgar est à 6h de vol intérieur depuis Pékin.
On décide dors et déjà de réduire nos ambitions de visites pour privilégier l’ouest de la Chine, plus "rural".
Voilà 4 mois que nous sommes sur la route, 4 mois extraordinaires.
Cependant, en Chine, nous traverserons une phase de remise en question :
Qu’attendons nous réellement de ce Voyage ? A-t-on vraiment envie de faire le tour des monuments incontournables suivant l’itinéraire recommandé par notre livre? Qu’aimons-nous le plus depuis notre départ ?
Nous n'avons que 2 mois, à nous de faire nos choix pour apprécier la Chine.
Plusieurs rencontres influenceront notre réflexion : nos camarades de dortoir chinois, un couple de tchèques et un couple de cyclistes hollandais (Cyril et Vera).
Les backpackers chinois nous recommandent de visiter Xi’an, Pékin, Shanghai, tous les grands sites vitrine de la Chine, à coup de trains de nuit et de vols intérieurs tandis que le couple de routards tchèques, écœuré de leurs débuts en Chine, envisage d’écourter leur séjour.
Cyril et Vera voyagent pour 18 mois, à vélo, d’Amsterdam à Tokyo, au rythme de leurs pédales, en toute liberté, à contre-courant, bien à l’écart du circuit classique. Leur mode de voyage nous inspire et nous fait réfléchir.
Nous avons le "luxe" du temps, mais pas l’autonomie du vélo et du camping. Comment sortir nous aussi de la voie Lonely Planet ?
Lorsque l’on fait le bilan de ces 4 premiers mois de voyage, on se rend compte que l’on a vécu nos meilleurs moments grâce aux rencontres inattendues. Cet accueil chaleureux et cette générosité désintéressée nous ont vraiment touché. Ces petits moments sont de loin les plus intenses. En Iran, l’hospitalité des iraniens nous a laissé un souvenir bien plus fort que la visite des mosquées aussi belles soient-elles.
L’idée de faire du stop germe en nous. Le stop nous permettrait de provoquer les rencontres, d’aller dans des endroits où l’on ne se serait peut-être jamais arrêtés, de mettre un peu plus d’imprévus et d’aventure dans notre voyage et qui sait décrocher quelques invitations…
On a envie de faire nos propres expériences : essayer de communiquer, au risque de ne rien comprendre. On se débrouille toujours avec quelques mots basiques, des onomatopées ou des mimes. Matthieu est en train de devenir un champion du Times-up... rencontrer de nouveaux horizons... goûter de nouvelles saveurs : commander des plats au hasard et se retrouver avec un plat super épicé ou un plat de rognons, croire manger du tofu alors que ce sont des tripes... dormir dans un wagon-lit avec une famille kirghize... trinquer aux liqueurs locales...

Peut-être reviendrons nous ultérieurement en Chine pour voir la fameuse armée de soldats en terre cuite de Xi’an, la grande muraille, la cité interdite… Aujourd'hui, on a envie d'autres expériences.
Un de nos meilleurs souvenirs à Turpan sera notre cantine. Quand on trouve une bonne adresse, on y retourne à chaque repas et ça crée vite des liens !

L'équipe de notre cantine, avec Cyril et Véra (les hollandais à vélo)
Un régal à chaque repas
Nous repartons de Turpan, pleins de nouvelles résolutions. Prochaine étape : Zhangye, en route vers le Sichuan, à la rencontre des tibétains.
A suivre, Bizarreries chinoises