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La Karakoram Highway

Le sud de Kashgar est une vaste région qui s’étend jusqu’au Pakistan, essentiellement peuplée de tadjiks (même si nous sommes en Chine).


Horizons afghans, kirghizes, tadjiks et pakistanais, soit les quatre pays limitrophes du Xinjiang du Sud… Kashgar en est désormais une des plaques tournantes.


Déjà, dans les années 70, à l'époque de la grande alliance pakistano-chinoise contre l'Inde et Moscou, démarre un chantier titanesque : celui d'une autoroute reliant Kashgar à Islamabad, la Karakoram Highway.


Longue de 1300 km, elle est une des routes les plus hautes du monde.

La route de Karakoram

De la route cahoteuse faite de pierre et de poussière, il ne restera bientôt plus rien. Le bulldozer chinois travaille à la construction de l'autoroute sur des ponts gigantesques traversant les vallées; peu importe si cela défigure le paysage. A notre passage, la route était quasi terminée, déjà en service sur certains tronçons.

Nous vous laissons juges de la longueur de ponts chinois...

La route, peuplée de camions chargés d'électronique et de prêt-à-porter qui alimenteront les marchés de Peshawar à Karachi, est bordée par un décor somptueux. Les chauffeurs tadjiks connaissent par cœur le reflet des sommets enneigés dans le bleu profond du lac Karakul,


Le lac Karakul dominé par le Muztag - Ata

ou même les dunes de sables du lac Bulungkol, encadré par des dunes d’altitude (assez étrange mais fascinant à voir).





Nous restons sans voix face à ces déserts de rocaille et ces vallées peuplées de yaks, de moutons et de chameaux.


L'excitation de rouler à 3000 m d'altitude aux pieds d'autres sommets dépassant les 7000 mètres tels que le Muztag Ata (7509m), surplombant le lac Karakul, se mêle aux nombreux détails qui défilent sur cette autoroute pas comme les autres : yourtes, montagnes de sable, poteaux téléphoniques en bois, trouées d'oasis, et un mirage, celui d'apercevoir les chevaux de Prejevalski, ces chevaux sauvages surnommés "chevaux célestes" par les Chinois.



Nous longeons également la frontière tadjike (fermée aux étrangers). Pour ceux qui connaissent le Tadjikistan, Murghab est à seulement 100 km à vol d’oiseau, mais il nous aura fallu un détour de quelques 800 km, en passant par le col d'Irkechtam.


Au bout de 230 km, et après un col 4000m, Kashgar est déjà bien loin. La route s'enfonce dans la région autonome tadjike de Tashkurgan, l'ultime étape chinoise avant de franchir le col de Khunjerab vers le Pakistan.

Nous faisons le choix de ne pas aller jusqu’à la frontière pakistanaise, n’ayant pas de visa, mais surtout pour profiter de cette région. Bien nous en a pris !


Une rencontre bouleversera notre passage à Tashkurgan : Ting Ting, une jeune chinoise baroudeuse (en route pour le Pakistan, Afghanistan, Iran, Egypte) avec qui nous sympathiserons.

Grâce a elle, une belle opportunité s’offre à notre voyage : elle nous propose de l'accompagner à un mariage tadjike, qui a lieu dans un village à 30 km au nord de Tashkurgan.


Avec Ting Ting devant le Muztag Ata



Dans le village (enfin le hameau), de nombreuses infrastructures neuves côtoient les vieilles demeures tadjikes. On apprendra que le gouvernement chinois amène ici le confort de la vie moderne à grand renfort de maisons types et de rue goudronnées dans le plus pur style géométrique, surplombées par des lampadaires électriques à panneaux solaires tout neufs.


Après avoir posé nos sacs dans une maison, qui nous accueille gracieusement, nous partons pour la demeure où se passe le mariage, avec nos hôtes. Nous découvrons que tout le village est présent: tous sont en congés et ce pour trois jours ! Dehors, les hommes s’affairent sur un yak et un mouton. L’exécution se passera sous nos yeux.


Le yak au premier plan, le mouton au second


Après 1h de travail, la viande est prête.


Pendant ce temps, les femmes préparent du pain et des légumes à profusion.

Quelques portraits de femmes présentes au mariage.

A première vue, la tradition tadjike est différente des nôtres. Nous sommes accueillis par le marié et sa famille, mais aucune trace de la mariée.



Le futur marié


Un peu d’explication :


Un mariage Tadjik, réalisé dans les règles de la tradition, a toujours lieu après une période de trois jours. Durant les deux premiers jours, les familles des futurs époux accueillent leurs parents et amis, chantant, dansant et dînant dans leurs villages respectifs. Ce n'est que le troisième jour, que le marié se rend chez sa femme. Les festivités sont centrées autour de la musique et de la danse. Il est ainsi commun de voir les hôtes et leurs invités danser ensemble au son des tambourins et des nayi (piccolo en os d'aigle).

Nous arrivons pour le premier jour chez le marié, c’est la raison pour laquelle nous ne verrons pas la mariée.


Une grande activité lors d’un tel mariage est la pratique d’un jeu équestre : le bouzkachi, littéralement jeu de l’attrape chèvre. Il s’agit d’une sorte de horse ball, ou 40 cavaliers se battent, plus ou moins en équipe, pour la dépouille d’une chèvre. Ils doivent ensuite la déposer dans un trou (but) pour gagner un lot. Cette activité se déroule sur plusieurs jours jusqu’à la tombée de la nuit. Lorsque la bête ne ressemble plus à rien, on en change…


Nous resterons 6 heures durant a regarder la partie (pas par choix, mais parce que nos hôtes étaient passionnés) dans un cadre exceptionnel, dominé par le Muztagh ata.

Les cavaliers rentrent usés, blessés, sentant fort la transpiration, le cheval et bien entendu la chèvre, mais bien contents lorsqu’ils ont gagné une chemise ou un tapis.



Quelques photos de la partie:



Voir le bouzkachi, au plus près ? nous avons pris des risques pour vous:





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On sent la hargne des cavaliers, la lutte à tout prix pour attraper la chèvre.


Des cavaliers portent des stigmates.

Mais gagner une chemise vaut bien ça!

Quelques spectateurs.


Après plusieurs thés au sein de maisons tadjikes, et un dîner dans la famille du gagnant, nous partons pour la grande fête dans la maison du marié.


Repas chez un tadjik rencontré au bouzkachi, invité aussi au mariage.

Son frère est le champion du village.



Une centaine de personnes est présente dans la maison (de 80m² environ). Des hommes sont affairés dans une pièce à part, au calme. Le reste des participants est très densément regroupé dans une pièce, les femmes sont assises séparément. Un synthétiseur est installé avec deux joueurs de navi à ses cotés. Au milieu de la pièce, des participants dansent en donnant des billets à une personne chargée de les collecter. Nous sommes au milieu d’une liesse importante et n’en perdons pas une miette ! A notre grand étonnement, aucun buffet n’est disponible, et bien sûr aucun alcool, tous sont musulmans.





Il faut le voir pour le croire.



Ayant réservé un train de nuit pour Turpan, nous devons repartir dès le lendemain matin, alors que serions bien restés assister aux trois jours du mariage. Désormais, nous n'anticiperons plus rien...


Kashgar est à 260 km. Depuis le village, le stop est notre seule et unique option. On part au crépuscule, afin de mettre le maximum de chances de notre côté pour être à temps à la gare.

Rapidement, un camion nous prend en stop. Il nous déposera au lac de Karakul, où un bus de touristes chinois démarre, ils acceptent volontiers de nous ramener jusqu'à Kashgar.


On prend pleinement conscience de la chance que nous avons eue de participer fortuitement à de tels événements ; certains touristes chinois venant spécialement dans la région pour assister à un mariage traditionnel tadjike, en vain.


Cette bonne expérience de stop sera fondatrice pour la suite de notre périple chinois.



A suivre : Turpan, un virage dans notre voyage.


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