top of page

Kazakhstan - Pèlerinage à Bekhet-ata

La région de Mangistaou est réputée pour ses mosquées souterraines et ses nécropoles parsemées dans le désert. Beaucoup remontent à l’époque où les hordes nomades enterraient leurs défunts sur des sites spécifiques.


Nazym, notre couchsurfeuse, connaît un chauffeur de taxi qui organise des expéditions sur deux jours à Bekhet-ata. Il s’agit d’un grand lieu de pèlerinage kazakh soufi (courant ésotérique de l’islam), dans le parc national de l’Oustyurt, réputé à travers tout le Kazakhstan.


Elle l’a déjà organisé une fois pour un autre couchsurfeur, qui en était revenu enchanté. Il s’avère qu’il part le lendemain avec un minibus de 12 pèlerins kazakhs et il lui reste deux places… La somme demandée est assez dérisoire compte tenu du trajet (5000 Tenge pour 600km aller-retour, soit environ 12€ par personne). Départ à 6h du matin. Nazym nous prévient que les kazakhs ne sont pas connus pour être ponctuels. Notre chauffeur sera cependant pile à l’heure !



La route au départ est assez bonne, mais au fur et à mesure elle se dégrade pour devenir une longue piste rocailleuse, à travers la steppe et le désert. On traversera des gisements pétroliers, avec des derricks partout.



On s’arrête dans le désert, au milieu de nulle part dans un premier lieu saint : Shopan-ata.

Les pèlerins nous demandent de les suivre dans leur ablutions. Avant d’accéder au site, il faut d’abord se purifier : passage dans les toilettes turques, ainsi que lavage à la cruche d’eau des mains, pieds et visage. Nous obtempérons. Les femmes d’un côté, les hommes de l’autre.

Nous longerons un cimetière, jusqu’à la mosquée souterraine où vivait Shopan-ata, un sage soufi.





La légende dit que Shopan -ata a suivi la volonté de son maître Ahmed Yasaui. Celui-ci a envoyé des disciples prêcher dans le monde. Pour les guider il leur a demandé de tirer une flèche. Celle de Shopan-ata est arrivée sur l’emplacement actuel du lieu, et a décidé d’y construire une mosquée de onze cellules souterraines sur ce lieu même. Un arbre aurait grandi de cette flèche, plantée dans la terre ; et continuerait de croître aujourd'hui encore, plus de 800 ans plus tard.


Nous sommes invités à pénétrer dans la mosquée souterraine, à participer aux marches rituelles soufies autour des arbres sacrés, et à une prière collective. Selon la croyance, tourner 3 fois autour de l'arbre débarrasserait de toutes les maladies.


En traversant le cimetière, pour nous rendre sur la tombe sainte de Shopan-ata, nous découvrirons des tombes datant du XIIIème siècle.

Puis on s’arrête dans la salle à manger des pèlerins : thé, pains, biscuits et fruits sont offerts à tous les pèlerins de passage autour d’un moment de partage. Ici, rien n’est payant, aucune tentation non plus, pas de vendeur.


On reprend ensuite la route pour atteindre le lieu saint de Bekhet-ata (disciple de Shopan-ata), encore plus isolé.


En arrivant, nous sommes de suite invités à prendre une collation autour de la grande table de la salle à manger de l’auberge d’accueil: thé et gâteaux. On se sent très bien accueillis.

Nous sommes la curiosité du moment. On nous prends même pour des journalistes! De nombreux kazakhs viennent au contact, parlant russe. On ne se comprendra pas beaucoup, mais on échange avec le sourire et quelques signes. On sort les photos de nos familles, c’est toujours un succès !

Laurence se fait gentiment rappeler à l’ordre, elle doit se couvrir les cheveux, comme toutes les femmes.


Après ce petit repas, chacun se repose un peu au dortoir : les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. A peine allongés, nous sommes réveillés par l’appel à la prière. On sent une ferveur collective assez forte.


Puis les pèlerins partent tous ensemble jusqu’à la mosquée souterraine située au bout d’un calvaire de 1500m, au fond d’un canyon.

Quelques hommes font signe à Matthieu de se reposer. Laurence sera elle entrainée par le mouvement de foule et ses nouvelles compagnes de chambrée. On se perdra durant quelques heures.




Bekhet-ata est un lieu où les disciples du soufisme se rendent plusieurs fois dans leur vie. Certaines personnes présentes nous confierons avoir parcouru 3000 kms en bus pour l’atteindre.


Les pèlerins sont comme habités, Matthieu verra même une dame en larmes. Après quelques prières, les croyants attachent un tissu à un bout de bois vertical dans la mosquée troglodyte. Les vœux seraient tous exaucés... Nous croiserons un vieux monsieur avec une canne, qui a bien dû mettre 4 heures à descendre et remonter, aidé par une personne de bonne volonté. L’ambiance à la remontée est plus détendue et on sympathisera avec bon nombre de dames. Des petites pagodes sont installées pour permettre des pauses ombragées.


Le paysage est sublime. Nous sommes bluffés par l’immensité du lieu, perdu au milieu du désert entre la frontière turkmène et ouzbèke. Ca nous rappelle le Grand Canyon.




A l’heure du dîner, un grand banquet gratuit est installé. Hommes et femmes sont séparés, alors que nous partagions le thé tous ensemble. Des nappes sont posées à même le sol et des groupes de 8 personnes s’installent autour. On nous sert le plat national kazakh : le beshbarmak, qui signifie « se mange avec les mains ». Il s’agit d’un plat unique pour la table, à base de pâtes (types lasagnes) très cuites et d’une portion de viande. De l’agneau, du mouton? On ne saura pas.


Nos compagnons de table se jettent littéralement dessus avec leur doigts et découpent les morceaux de viandes. Chacun son tour, mais il faut être rapide !


le beshbarmak

A la fin du plat, on propose à Matthieu le met de choix : l’œil de la bête, encore posé dans son orbite, sur une tête décharnée au trois quarts. Vision assez étonnante au milieu d’un repas. Tout le monde regarde la réaction, gêné il refusera, conscient de l’impolitesse, mais comment réagir autrement ? Il est d’usage d’offrir l’œil aux invités spéciaux ou aux personnes qui ont fait un long trajet…


Tandis que Laurence cherchera désespérément la viande dans le plat de gras… Seules les femmes auront droit à la soupe du bouillon de cuisson.

Les restes bien nettoyés... et la preuve de la tête...



Le pèlerinage à Beket-ata se déroule généralement sur deux jours, en passant la nuit à l’auberge. Cependant nos compagnons de minibus souhaitent tous rentrer, dommage ! On aurait bien aimé rester dormir sur place, profiter du lever du soleil sur le canyon et ne rentrer que le lendemain matin…


On rentrera complètement exténués chez Nazym, après ces 6OOkm aller-retour dans le désert, mais ravis de cette expérience authentique! Nous avons été touchés par la puissance du lieu, par la ferveur des pèlerins. Ce fut une opportunité de vivre pleinement l’hospitalité kazakh en totale immersion.





bottom of page