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Voyager au féminin

L’Iran m’intéressait depuis plusieurs années. C’est moi qui ai encouragé Matthieu à faire ce voyage, en dépit des contraintes vestimentaires du code islamique, que je devrai respecter.

Le port du voile me paraissait bien anecdotique, comparé à la richesse culturelle de l’Iran.

Roya m’avait conseillé sur la tenue appropriée en Iran : manteau long jusqu’aux genoux, pantalon, haut ample manches longues, ras du cou, de couleur discrète et bien sur le hidjab (voile).


Les premiers jours, je ne me suis pas sentie très à l’aise..

Je suis impressionnée par le 100% de femmes voilées, c’est frappant ! Je réalise que la grande majorité porte même le tchador noir, visage seulement visible (mais pas de burqa). Je suis interloquée par toutes ces silhouettes cachées qui déambulent dans les rues comme des fantômes endeuillés. Je ressens pleinement l’omniprésence et le poids de la religion, en regardant toutes ces femmes.

Malgré mes précautions, je me sens découverte vis-à-vis des iraniennes, qui respectent scrupuleusement le code vestimentaire islamique, d’autant plus en période de Ramadan.

On décidera ne plus aller à Qom, deuxième ville sainte du pays. Berceau de la révolution islamique, c'est la ville des mollahs les plus conservateurs...




Au fur et à mesure du voyage, me couvrir les cheveux devient automatique, même si ça sera, pour ma part, pesant de porter ce voile, en permanence, avec la chaleur du mois de juillet. Je n’ai pu l’ôter qu’une seule fois à domicile lorsque nous étions invités dans des familles.






La plupart des femmes semble le porter naturellement, habituées dès l’âge de 9 ans, comme leur grande sœur, leur mère et leur grand-mère…



De nombreuses affiches expliquent l'intérêt du hidjab, en tant que protection de la femme, comme la coquille de l'huître protège la perle.



Quelques jeunes femmes le portent plus en arrière, osent la couleur, laissant apparaître un peu leur cou, une partie de leurs cheveux ; certaines se maquillant plus ou moins discrètement. Je le vois comme un signe d’émancipation et comprend qu’elles le portent plus par obligation que par conviction religieuse.







C’est un exemple de cette fameuse schizophrénie iranienne, de la dualité de la société partagée entre conservatisme religieux et émancipation laïque…





En tant que femme, je ne vis pas le voyage comme Matthieu le vit.


La relation homme / femme est particulière. Généralement, les hommes s’adressent aux hommes et restent distants avec les femmes.

Matthieu est le centre de l’attention, tandis que les hommes me disent tout juste « Salam » ; ce qui fut assez frustrant... Matthieu leur a demandé pourquoi. Leur réponse est simple: « Si une femme est mariée, on ne lui parle pas ! ». Je pense qu'il s'agit d'une forme de respect envers l’autre homme. Il est arrivé qu’on demande l’autorisation à Matthieu de me poser une question directement.


Lorsque nous pénétrons dans des lieux publics, les femmes réajustent leurs voiles, uniquement par la présence de Matthieu. Aucun contact physique avec le sexe opposé : aucune femme n’aura voulu serrer la main de Matthieu et réciproquement pour moi. Ce sont les codes en vigueur en Iran.




Très peu de femmes viendront spontanément vers moi. Setareh, une jeune professeur d'anglais, sera l'une d'elle et restera ma meilleure rencontre de ce voyage.


Setareh (juste devant moi)

Elle m’explique que la région du Mazandaran ( au nord est de l’Iran) est moins "pieuse" que les autres régions que nous avons traversé (notamment Ispahan, Shiraz, Yazd, Tabriz).

Effectivement, je passerai quelques bonnes soirées dans le Mazandaran et à Téhéran avec Babak, où les hommes me parleront sans distinction ; ce qui me laisse finalement un souvenir largement positif de l'Iran, oubliant la frustration des premiers échanges laconiques!



Un sentiment de pleine sécurité règne, de part l'attitude hospitalière des iraniens et la présence de nombreux militaires. A aucun moment, nous nous sommes sentis inquiétés!



Pour celles qui hésiteraient, il me parait tout à fait possible de voyager en tant que femme seule, ou entre copines (à la condition de respecter le code vestimentaire). Je pense même que les iraniennes seront prévenantes et avenantes avec les voyageuses; ce que j'ai pu constater dès que Matthieu était loin de moi.


Dans le métro et les bus, il y a des compartiments réservés aux femmes. On assiste au jeu des chaises musicales dès qu’un homme veut s’asseoir à côté d’une femme inconnue.

Bien sur, soyez prêtes à quelques regards masculins insistants, qui seront simplement intrigués devant une femme voyageant seule…


Cette expérience sera formatrice. Ce voyage me questionnera et me fera, personnellement, encore plus apprécier ma liberté de femme occidentale.





Selon Matthieu


Laurence a bien décrit le sentiment d’une femme voyageant en Iran (et à fortiori pendant le Ramadan). Je voudrai donner un point de vue masculin également.

Dès la rencontre avec Roya à Nantes, bien avant de partir, je sens Laurence très soucieuse sur le choix de ses tenues bien appropriées. Elle qui avait fait exprès de changer de garde robe pour cette destination, c’était encore trop court !

Bref, en arrivant à Téhéran, je sens un sentiment de panique l’envahir, les regards des femmes se portent sur elle, et même Asam, notre hôte bienveillante lui dira : not ok. Ca refroidit.


En tant qu’homme, pas de problème au premier abord. Quelques détails, comme les shorts, tenue que l’on peut imaginer obligatoire par 40° C, est proscrite. Heureusement que j’ai pris mon jean (décidé au dernier moment) : je le porte presque tout le temps ! Les iraniens ne portent presque que ça et sont en grande partie des « fashion victimes » avec des tenues des plus moulantes et brillantes !. Et pendant ce temps, à côté passent des femmes nappées sous des tchadors noir et 3 ou 4 épaisseurs de tissus, véritables fantômes qui se cachent le visage lorsque j’arrive. Certaines iraniennes jouent de la longueur de tissu, voire laissent leurs cheveux dépasser : j’admet qu’elles le porte bien et que ça met un peu de gaîté dans cet univers très masculin.


Je commence à découvrir la relation homme / homme ici. C’est assez impressionnant. L’homme est clairement dominant ici et on me parlera même de grade homme / femme : homme 1, femme 2…

Je dois admettre que ça a le don de me mettre mal à l’aise.

Nos différentes rencontres ont, presque toujours, démarrées avec des « hello Mister » (et même pas un regard pour Laurence). Nos différents hôtes me demanderont de venir m’asseoir avec eux devant en voiture, Laurence derrière. Le niveau d’anglais des femmes que nous avons rencontré était presque toujours inférieur à celui de leurs époux, ce qui augmente le clivage.

Un exemple : Moussa, un homme super, à l’anglais quasi parfait et accessoirement vendeur de tissu pour tchador, me propose d’aller courir un matin avec lui. Il viendra avec sa femme et sa fille. Pendant notre course de 30 minutes environ, Laurence se retrouve avec sa femme, certes très gentille, mais sans pouvoir communiquer. Je vous laisse imaginer la situation. Léger détail, mais qui a son importance : je suis allé courir en short, j’étais le seul parmi les 2000 personnes autour de nous (et de nombreux coureurs/euses). Le short est même proscrit pour le sport ici, et il fait 30 à 40 degrés. J’ai pu voir des femmes faire du sport, en tenue intégrale type tchador.


Nombre de fois où après quelques échanges je tente de présenter Laurence et où le regard ne se détourne même pas. J’en suis malade pour elle, avide de rencontres et frustrée par cette situation.


Il est à noter des comportement affectueux assez étonnants : les hommes se baladent main dans la main et caressent le bras de leur ami sans même aucune gêne. J’ai trouvé ça assez étonnant quand on connaît leur aversion pour l’homosexualité (exprimée assez directement).


Laurence ne se rend pas forcément compte des fois que sa tunique est un peu remontée à mi-cuisses, ou que son épingle à nourrice est défaite ; les regards d’hommes et de femmes sont immédiats. Lorsque les regards masculins sont insistants, je les regarde droit dans les yeux et la situation disparaît. Je n’y ai pas vu de forme de voyeurisme, mais plus de l’étonnement.


En conclusion, en tant que couple, vous ferez énormément de rencontres, serez invités facilement chez l'habitant. Même si les échanges peuvent être un peu plus frustrant pour la femme, selon nous l'expérience de l'hospitalité iranienne vaut vraiment le coup !



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