Suite à nos échanges avec le guide tibétain de Simone, nous orientons notre itinéraire vers le nord ouest du Sichuan, à la frontière du Tibet administratif et du Qinghai, au cœur du Kham tibétain.
Cette région, moins facile d’accès, serait la moins touristique du Sichuan. C’est pour nous l’occasion de s’approcher du peuple tibétain, sans les contraintes appliquées au Tibet central : c’est-à-dire l'obtention d'une autorisation de séjour et l’obligation de voyager avec un guide. Un voyage cadré, orienté, qui aurait eu un coût onéreux et peut-être un arrière goût de propagande chinoise?
Lhassa, le symbole du Tibet et du bouddhisme, serait aujourd’hui transformée (défigurée) et devenue une destination "exotique" appréciée des Hans. Le gouvernement y aurait fait construire de nombreux hôtels 5* et casinos pour subvenir aux loisirs de ces touristes chinois. Un contrôle politique, idéologique tout en profitant d’une manne financière… Nous ne l’avons pas vérifié de nos propres yeux mais ça nous rappelle légèrement Kashgar…
Nous avions envie de tester un nouveau mode de voyage : le stop.
Nous faisons "nos premiers pas" de Tongren à Chengdu, via le parc national de Jiuzhaigou. Nous n'attendrons rarement plus de 10 minutes sur le bord de la route.
En sortant de Tongren, un négociant de Tangkas en 4X4 Audi Q7 nous conduira sur près de 100 km, nous offrant au passage du yaourt à base de lait de yak, que d'après lui nous nous devions de goûter. Sur la route, les gens feront souvent preuve d’une générosité surprenante.
Rencontres, flexibilité, liberté et gratuité. L’expérience fût rapidement validée !
Notre visa renouvelé, on se lancera le défi de parcourir le Sichuan tibétain uniquement en stop…
Nous voyagerons la plupart du temps dans des véhicules assez luxueux de conducteurs chinois ou tibétains, beaucoup d’entre eux ayant un penchant pour les grandes marques.
Merci encore à la cinquantaine de chauffeurs qui ont bien voulu de nous sur la route! Nous avons vécu de grands moments !
Kangding
La route de Chengdu à Kangding suit de magnifiques gorges sauvages, même si les montagnes environnantes sont aujourd’hui "polluées" par les travaux de la future voix ferrée Chengdu-Lhassa. Grues et bulldozer travaillent à la construction de gigantesques ponts surélevés de cent mètres de haut, peu importe si le paysage est ravagé. Impossible n'est pas chinois!
« C’est comme la plus grande montagne russe du monde. Avec une durée de vie nominale de 100 ans, il est considéré comme l’un des projets ferroviaires les plus difficiles à construire sur Terre », a déclaré Lin Shijin, ingénieur civil en chef à la China Railway Corp.
Alors qu’il fallait auparavant plus de 20h de trajet de Chengdu à Batang, d’ici quelques années, l’ouest du Sichuan sera complètement désenclavé. On imagine les répercutions sur ces régions peuplées de minorités.
Un chinois rencontré en stop nous disait se réjouir de la modernisation et l’évolution rapide de son pays. Selon lui, ce développement est nécessaire et indispensable au développement économique et touristique de ces régions pauvres, afin que ces populations puissent prospérer à leur tour. Ce discours résonne en Chine. Ça ressemblerait presque à de la pensée unique !
On sent que le modèle de réussite est axé sur l’argent. Il évoquera aussi la pression sociale et familiale autour de ce "diktat", difficile pour les jeunes chinois qui intègrent la vie active.
Kangding sera la première étape de notre virée tibétaine.
C’est une ville encaissée à 2500m d’altitude, aux confluents des rivières Dar et Tse, entourée de hauts sommets enneigés. Pour nous, ce sera juste un hub pour partir dans l’ouest du Sichuan, tout en s’acclimatant progressivement.
Nous y ferons simplement étape pour une nuit au Zhilam hostel, une maison tibétaine, tenue par un américain, rénovée avec beaucoup de goût. Les chambres sont pleines de charme et de caractère, à un prix vraiment abordable. Un petit extra "confort" dans notre périple!
Tagong
L’arrivée sur Tagong, village de 8000 âmes, à 3700m d’altitude, enfin à taille humaine devant les mégalopoles chinoises, nous apparaît comme notre première étape dans l’ouest du Sichuan.
Nous voilà au pays des grands plateaux d’altitude, du thé aromatisé au beurre de yak… Le village est peuplé de tibétains, portant le chuba le manteau traditionnel épais fourré de laine, accessoirisé et épaule droite découverte, les femmes portant le tablier, aux coiffures typiques, mala (chapelet) en main et paré de bijoux en argent et pierres précieuses. Un bonheur pour les yeux !
En novembre, la période n’est pas la plus propice pour explorer le Sichuan. C’est l’automne. Toutefois, nous aurons la chance d’avoir un grand ciel bleu azur, et des températures assez clémentes en journée, tandis que les nuit étaient vraiment glaciales.
La plupart des guesthouses sont closes ou en passe de l’être. Non sans difficultés, nous trouverons une chambre dans un hôtel "haut de gamme" encore ouvert (que l'on négociera à prix cassé).
Le village est dominé à flanc de montagne par un triangle de drapeaux tibétains d’une centaine de mètres de haut.
La place centrale du village s'organise autour du monastère de Lhagang.
A l'intérieur du monastère
Nous assisterons avec plaisir à une prière collective: les moines répètent des mantras à voix haute, en rythme, ponctué par le gong.
Nous passerons deux jours agréables à nous balader, seuls au monde, dans ces beaux plateaux, de villages en monastères. Les troupeaux de yaks pâturent encore pour quelques jours dans les alpages brunis par l’été.
Des yaks paisibles sur notre chemin
Les villages alentour, ayant souffert du séisme de mai 2008 (magnitude de 8.3), étaient en cours de reconstruction, en conservant le style tibétain de maisons en pierre, aux fenêtres aux contours colorés.
Tailleur de pierre gravant des manis.
Prière devant la stupa
Dernière soirée à Tagong, on se réchauffe en bonne compagnie au restaurant.
Notre destination suivante est Ganzi, préfecture de la région, mais on s’offre une petite pause à Daofu. Un autre avantage du stop : on peut s’arrêter où et quand on veut.
Daofu, un autre style architectural caractéristique de la région
Pause déjeuner à Daofu.
Un jeune tibétain dans une BMW série 5, neuve, nous conduira ensuite jusqu’à Ganzi, faisant un détour de 80 km, avec le sourire et en nous offrant même des boissons. Très content de nous emmener, il demande à prendre un selfie tous ensemble.
Ganzi
Ganzi semble au premier abord une ville chinoise de 70 000 habitants, sans grand intérêt.
Nous apprécierons pourtant nous perdre dans les rues de la vieille ville tibétaine, cachée derrière les nouveaux immeubles, et découvrir les monastères alentour isolés dans les alpages environnants.
Le monastère Garze gompa surplombe la vieille ville, avec une vue imprenable sur les sommets enneigés du massif de Chola.
Vue sur le monastère.
Nous pénétrerons dans le monastère et seront accueillis par de jeunes moines, en pause de leurs cours.
C'est l'heure de retourner en cours pour les jeunes moines.
Un jeune moine joue avec nous
De l'autre côté de Ganzi
En pénétrant dans l'enceinte d'un autre gompa, nous sommes surpris d'entendre de la musique.
Des femmes dansent à l'intérieur du monastère, Laurence les rejoindra.
Rencontres au gré d'une balade dans la campagne environnante
Nous apprécierons également l’accueil chaleureux que les tibétains nous réserveront lors de notre passage au marché. Incomparable à côté de celui de Labrang !
Nous logeons dans une guest house tenue par une famille tibétaine, très accueillante.
Gampai!
Voir l'article précédent: Labrang, à la découverte du Petit Tibet